Dans vingt ans, il y aura deux fois plus d’avions dans les airs. C’est le chiffre avancé par l’industrie aéronautique, et répété à l’envi par les médiateurs sur le dossier Notre-Dame-des-Landes, celui-là même qui justifie la construction ou l’extension d’un aéroport. Mais arrêtons-nous un instant : deux fois plus de passagers, deux fois plus d’avions, ça ne ferait pas deux fois plus d’émissions de gaz à effet de serre ? Non, assènent compagnies aériennes et avionneurs ! Croix de bois, croix de fer, l’Organisation de l’aviation civile internationale (Oaci) s’est engagée en 2016 à une « croissance neutre en carbone »à partir de 2020. Au menu, selon le directeur général de l’Oaci, Fang Liu, un programme « équilibré et pragmatique » visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre via « l’innovation technologique, la modernisation des procédures et l’utilisation grandissante de biocarburants ». Et cerise sur le gâteau : un marché mondial de la compensation carbone. Alors pourra-t-on dans quelques années planer sans polluer, et partir en vacances en laissant notre mauvaise conscience écolo à la maison ? Pas si sûr. Reporterre s’est penché sur un rapport paru il y a quelques semaines, intitulé « The Illusion of Green Flying ». En une vingtaine de pages, Magdalena Heuwieser, de l’ONG européenne Finance and Trade Watch, tord le cou aux idées reçues sur « l’aviation verte ». Idée reçue no 1 : l’aviation ne pollue pas tant que ça ! À peine 2 % des émissions globales de CO2, nous dit-on. Ainsi, en 2015, l’industrie aérienne a émis 781 millions de tonnes de CO2 — soit 2 % des émissions totales de CO2 cette année-là —, selon un calcul de l’Atag (Air Transport Action Group). Cacahuète ! Sauf qu’elle est difficile à avaler, glisse Magdalena Heuwieser : « Si on prend en compte toutes les émissions de gaz à effet de serre, et pas seulement le CO2, on arrive à 5 %. À cela il faut ajouter tous les impacts environnementaux dus à l’extraction du carburant, à la fabrication des appareils et à la construction d‘aéroports. » Derrière ce petit pourcentage se cache la réalité du changement climatique. « À chaque tonne de CO2 émise, ce sont 3 mètres carrés de banquise qui fondent en Arctique, alerte le rapport. Si une personne effectue un vol aller-retour de Vienne aux îles Canaries, cela provoquera la fonte d’environ 4,5 mètres carrés de banquise. » Mais surtout, cette proportion augmente, comme propulsée par un turboréacteur. « De 1990 à 2010, les émissions globales de CO2 ont augmenté de 25 % ; dans le même temps, celles dues à l’aviation ont augmenté de 70 % », souligne le rapport. À ce rythme-là, les gaz à effet de serre émis par les avions seront multipliés par huit d’ici à 2050, et représenteront 20 % des émissions globales. Au niveau européen, c’est même pire, souligne Pierre Cannet, responsable des programmes « villes durables, énergies et climat » au WWF : « Depuis 1990, il y a eu une augmentation de 80 % des vols, et il y en aura encore 45 % de plus d’ici 2035. Avec des impacts environnementaux qui augmentent énormément, dans les airs mais aussi sur terre : en Europe 2,5 millions de personnes exposées au bruit. » Si l’aviation était un pays, elle polluerait déjà autant que la France. Sauf qu’elle n’est pas soumise aux contraintes de l’Accord de Paris sur le climat, qui concerne uniquement les États. Source : Agence Séminaire.